À la chasse aux déchets à Annecy grâce au zéro déchet

Pour les pro-zéro déchet, beaucoup d’emballages et d’objets jetables du quotidien ont leur alternative. Photo Pixabay

Face à l’omniprésence d’emballages et autres déchets parfois superflus, de nombreux citoyens s’engagent sur la voie du zéro déchet afin de limiter leur impact sur la planète. Rencontre avec Chantale Farmer, initiatrice du groupe Zéro déchet Annecy.

568 kg. Il ne s’agit pas du record d’un concours quelconque, mais du poids des déchets ménagers et assimilés produits par une personne en un an en France selon les derniers chiffres de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). Parmi ces déchets, entre 2005 et 2014, 65% ont été recyclés pour leur offrir une seconde vie. Les autres ont été valorisés (6%) ou éliminés (29%).

En pleine prise de conscience écologique, les images de plages et d’océans pollués au plastique font le tour des médias et des réseaux sociaux. Les récents scandales d’envois des déchets occidentaux en Asie en ont fait réagir plus d’un. Face à ce problème global, des citoyens veulent agir pour apporter leur pierre à l’édifice… ou plutôt pour y enlever leur part en passant au modèle « zéro déchet ».

Chantale Farmer, à l’origine du groupe Zéro déchet Annecy, a pu créer un garde-manger bien rempli de produits en vrac depuis son passage au zéro déchet en 2015. Photo Aubane Lemaire

En Haute-Savoie, le groupe local citoyen Zéro déchet Annecy a été créé en 2016 par Chantale Farmer, une professeur d’origine québécoise installée en France depuis près de 15 ans. « Je m’étais lancée dans le zéro déchet de manière individuelle après avoir eu ma fille en 2015. Il me manquait quelque chose sur l’impact écologique, et ça a été la révélation », confie-t-elle.

Poussée par l’agglomération du Grand Annecy pour créer cette antenne du groupe national Zero Waste France, Chantale Farmer s’y est investie. Le collectif, 100% bénévole, tient des stands de prévention et de sensibilisation aux déchets, agit dans les entreprises ou les écoles et organise des ramassages de déchets dans les rues.

« J’ai vécu dans la société de consommation toute ma vie »

Pour l’initiatrice, cette option du zéro déchet était devenue une évidence, elle qui a vécu une majorité de sa vie au Canada et a donc été très influencée par la (sur)consommation américaine. « J’ai vécu dans la société de consommation toute ma vie. L’argent passait dans les fringues, mais je n’étais pas plus heureuse. Ça a été un choix, et une forme de libération, on ne se sent plus obligés de quoi que ce soit », explique-t-elle.

Depuis la création de Zéro déchet Annecy, « les mentalités changent un peu », affirme Chantale Farmer. « Ça marche bien, le regard des gens est différent d’avant, les commerçants font la tare automatiquement. »

C’est d’ailleurs vers les commerçants que le groupe local s’est tourné à Annecy. Les bénévoles ont démarché les boutiques alimentaires de la ville afin de répertorier celles qui acceptaient d’utiliser les contenants des clients plutôt que de leur donner des emballages parfois superflus. « On a eu 42 magasins en plus lors de notre dernier démarchage au mois de mai, et il y en a plus de 100 dans l’agglomération du Grand Annecy ». Résultat : les clients qui souhaitaient déjà s’orienter vers le zéro déchet sont moins « timides », osent demander à mettre leurs achats dans leur contenant, et les commerçants se sont habitués à cette manière de faire, pas si nouvelle que cela.

La poubelle de la famille Farmer a été réduite à 600g en un mois. Soit environ 50kg par personne par an. Photo Aubane Lemaire

Retour vers le passé

« On avait déjà tout avant, à commencer par les consignes », explique Chantale Farmer. En effet, le plastique est un phénomène d’après-guerre, et les déchets de manière générale aussi. « L’idée était que tout le monde devait consommer. Tout était conçu et pensé pour vous faire consommer. Alors tout était plus facilement jetable ».

Depuis, la consigne revient à la mode. Dans certaines villes, les canettes ou les bouteilles peuvent être rapportées contre un peu d’argent, la caution qui faisait partie du prix d’achat de l’objet. Pour le verre, c’est pareil, mais parfois plus compliqué. « De petits brasseurs pratiquent la consigne, mais il y a tellement de formats de bouteilles que c’est compliqué car il faut que les bouteilles soient du même modèle afin que les machines puissent les remettre en état pour les remettre sur le marché », indique Chantale Farmer. Mais pour elle, c’est déjà un bon début.

Le tout est de rester positif, comme l’est la ligne directrice de Zéro déchet Annecy. Le groupe mise sur l’énergie et le dynamisme de ses publications parfois éducatives et pleines d’astuces pour inciter les gens à franchir le pas du zéro déchet. « C’est cool le zéro déchet ! Ça prend du temps au début car il faut changer ses habitudes, acheter des pots en verre, mais après ce n’est pas contraignant, moi je suis trop contente comme je suis aujourd’hui ! »

Le zéro déchet s’invite souvent dans la cuisine, mais aussi dans la salle de bain, par exemple avec des cotons démaquillants réutilisables. Photo Unsplash

Zéro déchet, rempli de contact humain

Grâce à ce mode de vie, Chantale Farmer l’admet, elle a même retrouvé du « contact humain ». « On a eu un coup de chance : les parents des amies de ma fille sont aussi dans le zéro déchet ! Alors c’est plus facile, elles ont les mêmes gâteaux par exemple, donc ma fille ne se sent pas différente des autres enfants. Et nous on parle plus avec les commerçants que quand on va au supermarché. On se raconte les dernières nouvelles. »

C’est le cas avec Adeline Berthod, la vendeuse du magasin de vrac Day by Day d’Annecy, qui travaille beaucoup avec Zéro déchet Annecy. Pour elle aussi, le zéro déchet était une histoire de famille. « Depuis plus de trois ans, nous n’avons rien acheté d’emballé ou de neuf, et nous utilisons un maximum les modes de transports doux. Ça devient normal pour nous, ce n’est pas un effort particulier », explique-t-elle. C’était une évidence pour elle d’ouvrir une enseigne Day by Day à Annecy.

L’épicerie vend tous les produits du quotidien « en quantité à la demande et sans emballage superflus » d’après Adeline Berthod. Mais contrairement aux idées reçues, tout ce qui est vrac n’est pas forcément bio. « Au départ, les magasins qui proposaient du vrac étaient souvent des magasins bio, d’où la confusion, explique le conjoint d’Adeline Berthod, Greg. À Day by day, nous proposons aussi du non-bio, moins cher, afin que tout le monde s’y retrouve financièrement. » Dans tous les cas, les emballages sont bannis.

« Le zéro zéro, ça n’existe pas »

Chez les Farmer, on s’accorde que le recyclage est un premier pas, mais que le papier ne se recycle qu’un nombre limité de fois et qu’il deviendra donc un déchet un jour ou l’autre. Les livres peuvent aussi devenir des déchets, car les enfants ne les liront pas forcément tous en grandissant. Difficile de se dire que l’on peut tenir ce mode de vie alors que tout ce qui nous entoure est possiblement déchet.

Chantale Farmer veut pourtant rassurer les personnes qui souhaiteraient passer au zéro déchet. « Le zéro zéro n’existe pas. A commencer par tous les produits pharmaceutiques qui sont emballés par mesure d’hygiène, les poussières de l’aspirateur… L’idée est de limiter au maximum. »

Pour illustrer ses propos, elle sort sa poubelle du mois. Elle tient dans un sac réutilisable de supermarché qui est à peine rempli à moitié. Et la seule poussière d’aspirateur y prend une grande place. Résultat en un mois : 600g de déchet pour une famille de quatre personnes, dont un bébé. « C’est l’équivalent de 50kg par personne par an environ » affirme Chantale Farmer le sourire aux lèvres. Bien loin des 568kg du français moyen.

Et le déclic ?

Chantale Farmer, initiatrice du groupe Zéro déchet Annecy, nous explique le moment où elle a su qu’elle devait agir pour l’environnement en limitant ses déchets.

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